Muré dans le silence depuis son départ précipité du Racing, Claude Origer a décidé de parler. De son aventure dans le club de la capitale, de sa relation avec les joueurs et de sa mise à l'écart encore toute fraîche. Rencontre sans tabou.
- Claude Origer, vous n'êtes plus l'entraîneur du Racing depuis le lundi 24 février. Le club a parlé de
séparation "à l'amiable". D'accord?
Non. Ça, ce sont les termes du club. Il s'agit d'un licenciement. J'ai reçu la lettre de l'avocat Alain Gross.
- Vous ne l'avez pas senti venir cette fin de collaboration?
Pas du tout. Nous n'avions plus perdu depuis cinq matches. On en avait gagné deux en Coupe et nous restions sur trois matches nuls en championnat.
- Pas suffisant pour le comité visiblement?
Le comité? Certains membres ne semblaient même pas au courant. Le trésorier, Laurent Kipgen a d'ailleurs démissionné. Mon départ, c'est le fruit de la décision de trois ou quatre personnes. Mais ce n'est pas à moi de dire si c'est légal ou non que la majorité ne soit pas requise pour procéder à un tel vote.
- Rebobinons un peu le film de votre parcours au Racing. Vous arrivez à l'Académie en 2011 puis reprenez
l'équipe en mars 2012 en remplacement de Sébastien Alliéri. Avec l'arrivée surprise de Europe Sports Group...
Effectivement, des gens du comité – qui ne sont plus là aujourd'hui – avaient engagé des contrats avec cette société brésilienne. Un truc incroyable. Avec une équipe qui coûtait cher, on est parvenu à se maintenir. Pour le premier match de la saison 2012-2013 à Pétange, sept joueurs n'étaient pas qualifiés. On a dû remuer ciel et terre pour pouvoir en qualifier quatre. A cause de ce capharnaüm, la saison a mal débuté. Il a fallu que le conseil de surveillance sauve le club suite à cette épisode brésilien. La suite s'est très bien déroulée. C'était un miracle.
- Qui ne s'est pas reproduit cette saison!
C'était la même approche. Quelques joueurs sont partis, mais l'équipe était assez forte pour se maintenir. Mais on n'a pas eu de chance avec une infirmerie tout le temps remplie.
- Mais ces blessures, est-ce vraiment de la malchance?
Absolument. Elles ne sont pas musculaires. Ligaments croisés pour Giuliano Jackson et Irahima Sangaré, inflammation du muscle pour Hennetier. Et ça a recommencé avec Nyambé, Hammami,...
- On ne peut toutefois pas dire que le dernier mercato estival a été une réussite, si?
On ne peut pas dire que Michael Monteiro et Olivier Marques n'ont pas répondu à l'attente. Le gardien Victor Almeida est une bonne recrue. On a joué le premier tour sans Hennetier, un joueur de qualité. Sans Sangaré, ni Jackson. Et Vilmain s'est aussi blessé. Les seuls qui n'ont pas répondu à l'attente, c'étaient Cirikovic et Aliu. Mais je n'en veux pas à ce dernier. Pour moi, ça reste un bon joueur. Je suis persuadé qu'au complet, cette équipe est capable de faire une belle série. Peu importe le nom de l'entraîneur. Et je leur souhaite.
- On n'a toujours pas compris le départ de Karim Djellal?
Ce n'est pas à moi de l'expliquer. Je ne peux pas être le bouclier pour tout le monde.
- On a l'impression que le ressort s'est cassé à la fin de la saison dernière avec, d'une part, les départs de
Simoes et Mouny et d'autre part, ceux de Klapp et Luisi?
Ryan n'appartenait pas au club. Quant à Tony, je ne sais pas ce qui s'est passé entre lui, son manager et le club. Ça ne m'a jamais intéressé. J'étais là pour entraîner. Ça fait partie du jeu de voir des jeunes pépites courtisées par des clubs plus ambitieux. Tous ces départs n'ont pas bouleversé le club. Mais c'est vrai que des garçons comme Tony, Loïc et Ryan ont beaucoup apporté à l'équipe. Ils ont beaucoup de mérite.
- Quand on vous entend parler, on a l'impression que vous êtes encore là...
C'est l'équipe que j'ai mise en place. Ce sont mes joueurs. Des bons mecs. J'ai reçu plus de 80 messages suite à mon départ. Je leur souhaite de réussir. Ce ne sont ni les joueurs, ni les anciens du club qui ont pris la décision de se séparer de moi. Lors de mon dernier match contre le Swift, il y avait quatre juniors sur le banc et Vilmain de retour de blessure. On m'a reproché un manque d'audace. Il faut arrêter. On a joué en 4-4-2 la dernière demi-heure sans véritable récupérateur, avec des couloirs offensifs et deux pointes. Jouer à trois derrière? Alors on perdait le match.
- Philippe Dillmann avait pourtant déclaré que le comité vous faisait confiance jusqu'en fin de saison...
C'est qui Dillmann?
- Le bras droit de Daniel Masoni qui affirmait que vous lui aviez demandé d'être plus proche de l'équipe.
C'est vrai?
Qui est Philippe Dillmann pour juger mon travail? Il n'a jamais assisté à une séance d'entraînement. Il a entraîné l'équipe «loisir» de Rumelange et n'a aucun diplôme. Est-ce légitime qu'une telle personne me juge? C'est juste une question.
- Mais c'est lui qui a désormais les clefs!
Qu'il prouve quelque chose. C'est beaucoup plus facile avec de l'argent que sans. C'est difficile de mettre un projet en place sans moyen. Et c'est facile de parler quand on en as.
- Avez-vous été satisfait des deux recrues au mercato hivernal?
Philippe Dillmann devait trouver un attaquant de pointe. J'en ai vu six, mais pas un seul qui avait le niveau. Vairelles et Bousbaa , ce sont deux très bons joueurs avec une excellente mentalité.
- Philippe Dillmann a aussi remis en question le fonctionnement de l'Académie.
Moi je n'ai fait que de bonnes expériences avec l'Académie. C'est un boulot difficile. Intégrer 600 jeunes, ce n'est pas évident. Les encadrer, avoir une relation avec la commune, chercher des entraîneur diplômés. Gérer ça, c'est un travail de titan! Comme dans un couple, je n'ai pas toujours été d'accord avec Jacques (Muller). Mais il passe tous les jours au club, travaille comme un fou. C'est trop facile d'arriver dans un club et de dire après trois semaines que la politique n'est pas la bonne. Il faut respecter ce travail. C'est plus facile de critiquer que de mettre quelque chose en place.
- On a reproché à Jacques Muller d'être trop proche de l'équipe première.
Non. Jacques est venu pour m'épauler. Il n'est pas venu aux entraînements et n'a pas interféré dans mes choix tactiques. Il était là pour aider les joueurs à trouver des solutions à des problèmes extrasportifs.
- Certains disaient même qu'il faisait l'équipe!
Jamais. Il est venu après le match perdu contre Etzella pour régler des problèmes, c'est tout!
- C'est désormais Alexandre Franceschi qui a pris votre relais. Vous n'étiez pas lié par un pacte?
Le football est un marché aux putes. Dès que l'argent intervient... Mais je le savais et je ne vais pas pleurer. Moi, j'ai ma conscience. Quand Jacques Muller est parti de la Jeunesse, je suis parti aussi. Quand Michel Le Flochmoan a quitté Dudelange, je lui ai demandé pour rester dans le centre de formation. Patrick Gloden (analyse de matches) et Boris Molitor (entraîneur des gardiens) ont fait preuve de solidarité. Ils sont partis. J'ai toujours été loyal avec Alex en l'impliquant dans toutes les décisions. Mais il n'a pas les diplômes requis et ne fera qu'assurer l'interim. Plus question de travailler avec lui. Ceci dit, je ne remets pas en cause sa compétence.
- Vous vous lâchez alors que certains vous reprochent d'avoir manqué de caractère.
Quand tu as un noyau de 25 bons joueurs, tu dois trancher dans le vif. Mais quand tu en as 16 dont cinq juniors et que certains ne sont pas payés à temps, tu fais quoi? Tu arrondis les angles, tu fais preuve de diplomatie. J'étais davantage un psychologue- pédagogue qu'un entraîneur. Je suis fier d'avoir intégré des garçons comme Dragovic, Jackson, Hamouni, Luisi, Klapp, Martins (aujourd'hui à Lyon), Dany Rodrigues et Jona Rodrigues puis Schreiner, Huremovic et Hakim cette saison. Je remercie tous les joueurs. J'ai vécu des moments formidables.
- Qu'allez-vous faire maintenant?
Prendre du recul. J'ai une nouvelle maison, bientôt une petite fille. Je suis un passionné de foot, mais ce n'est pas toute ma vie. Avec ma licence UEFA-Pro, j'ai des pistes. On verra. Mais une chose est sûre: je ne me prostituerai jamais.
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